mardi 2 juillet 2013

Extraits de "La femme de nos vies" (Didier van Cauwelaert)

… elle dessinait l’univers sur les murs, lui expliquant la création de la matière par l’intelligence des atomes, cette intelligence qui pour elle était le seul Dieu. Quant au diable, c’était l’enfant naturel de la bêtise et de la haine qui avait divisé le monde, hiérarchisé les espèces, les races et les sexes. Alors qu’il n’y avait entre les pierres, les arbres, les animaux et les humains qu’une différence complémentaire, une interaction constante. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des atomes qui nous composent, qu’on soit Einstein, Hitler, une fleur ou un veau, étaient présents lors de la création du monde. C’est la même histoire qui continuait, d’âge en âge, d’être en être, que la matière paraisse inanimée ou non, dotée de raison ou pas.
...

Il voulait que je poursuive les travaux de sa mère pour découvrir ce qu’il appelait « l’intelligence de départ ». Avec les moyens que le H-Plan mettrait à ma disposition, je devais continuer à casser des noyaux pour offrir à l’humanité non pas la bombe, mais la particule manquante. La particule invisible qui avait organisé la matière, en donnant une masse aux atomes. La particule de Dieu, que nous portons tous en nous. Alors, il n’y aurait plus de religions adverses, de guerres, de discriminations, de numéros tatoués sur les poignets. Il n’y aurait plus, comme l’écrivait Date, que « l’amour qui fait se mouvoir le soleil et les autres étoiles ».
̶ Cette particule invisible, qui n’est qu’une théorie jusqu’à présent, elle s’appelle un boson. Tu prouveras son existence. Et tu lui donneras notre nom. Le boson de Rosfeld.
Je buvais ses paroles, fasciné. Il se passait en moi quelque chose d’extraordinaire, Marianne, mais qui n’avait rien d’un bouleversement. Ma vision du monde n’était pas en train de basculer, au contraire. Ce gamin d’une maturité et d’une culture phénoménales ne faisait que donner raison au petit paysan ignare que j’étais. On m’avait déclaré fou, mai non : les veaux étaient comme nous. Éprouver pour eux l’amour que ne savaient plus donner les humains, se sentir pareil à un animal ou à un brin d’herbe, c’était ça, l’intelligence. L’intelligence du cœur, comme il disait, la seule qui permettait de comprendre comment fonctionne la vie. C’était prouvé scientifiquement : il n’y avait plus qu’à continuer les recherches…

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